Soif est-il un ouvrage satanique ?

Publié le par Vincent Sévigné

 

Le livre Soif d’Amélie Nothomb me semble un révélateur intéressant de la pensée ambiante. L’auteure « explore », à sa façon, la Passion racontée par le Christ lui-même. Dès les premières lignes, l’auteure s’affranchit allègrement de la vraisemblance historique : les bénéficiaires du miracle de Cana, obscur village de la Galilée, témoignent au Sanhédrin, sommet de l’élite intellectuelle. La liaison charnelle supposée, pour ne pas dire imposée, entre Jésus et Marie de Magdala fait fi de l’éthique de Jésus-Christ et du consensus juif de l’époque où un couple vivait ensemble pour avoir des enfants.

 

L’auteure « décrit » les réactions de Jésus face à la souffrance physique alors que tous ceux qui se sont engagés dans ce labyrinthe et qui ont souffert ensuite ont affirmé qu’ils auraient mieux fait de se taire avant ; et cette « analyse » porte sur le cœur de la doctrine chrétienne : la Passion du Christ, c’est-à-dire sa « glorification » ; elle met en cause la Rédemption et la Trinité.

 

Le plus irritant, pour ma sensibilité, est le mépris affiché de madame Nothomb envers Jean, le théologien : c’est lui, Jean, qui a le mieux compris l’importance des derniers jours du Christ ; et pourtant, madame Nothomb nous affirme (page 115) que Jean, contrairement à son témoignage, n’était pas au pied de la croix ! En clair, pour madame Nothomb, l’évangile de Jean n’est qu’un roman brodé à propos de Jésus-Christ et peu fiable historiquement. Plus généralement, la quasi-totalité du livre de madame Nothomb se situe aux antipodes de mes convictions.

 

Or, et c’est là que cela devient révélateur, dans le journal La Croix du 22 août, page 16, Dominique Greiner esquisse une dizaine de lignes de réserves sur le manque de rigueur de Soif avant de présenter ce livre comme un bon point de départ de réflexion ; dans le même journal des 7 et 8 septembre, page 19, Gabriel Ringlet passe l’éponge sur les réserves précitées et signe un article dithyrambique sur Soif, allant même jusqu’à proposer implicitement ce livre comme point de départ de méditation. De même, l’évêque de Nanterre a déclaré, sur Europe 1, le 3 septembre, que Soif lui a « fait du bien » (hebdomadaire Le Point du 12 septembre 2019 page 137). Ces prises de position ont suscité un courrier des lecteurs abondant et hétérogène.

 

Les commentaires favorables précités sont lourds de conséquences : Soif est un livre à succès et une bonne partie des lecteurs de madame Nothomb connaîtront le Christ à partir de Soif et non à partir des évangiles. Certains de ces lecteurs méditeront à l’aide de Soif ; or, tous les « spécialistes » de la méditation, y compris les bouddhistes, attirent l’attention sur l’importance de bien choisir « l’objet » de chaque méditation.

 

Une dernière remarque « anecdotique » : pourrait-on, aujourd’hui, gloser ainsi sur les doutes supposés du Prophète, Mahomet, à l’heure de sa mort ?

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