Il faut lire de Villiers

Publié le par Vincent Sévigné

Le dernier livre de Philippe de Villiers, « J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu », est une enquête passionnante sur la fondation de l’Europe du traité de Lisbonne. Il est vrai que cette investigation est essentiellement à charge ; tout le monde connaît les convictions de « l’agité du bocage » et son manichéisme affiché. Il n’en reste pas moins vrai qu’il s’agit d’une étude scientifique, une thèse, méthodique et rigoureuse ; les notes et autres documents remplissent plus d’une centaine de pages et la bibliographie plus d’une dizaine.

 

Je ne suis pas compétent pour juger de l’exactitude des informations données dans ce « pavé » impressionnant ; toutefois, vu le nombre de détails précis apportés pour soutenir l’argumentation et vu le nombre de personnes mises en cause, cela m’étonnerait qu’il y ait des erreurs, sinon monsieur de Villiers serait accablé par une avalanche de procès.

 

Avant d’analyser l’état actuel de la Communauté européenne, l’auteur nous propose un retour historique sur la genèse de celle-ci et sur le passé de différents acteurs de cette construction, notamment les « Pères fondateurs », Robert Schuman et Jean Monnet. Il n’est pas inutile de savoir que ce dernier, réformé pour raison de santé, était un adepte, avant l’heure, du pantouflage, alternant, voire mêlant, avec brio des activités commerciales juteuses et des responsabilités politiques importantes, mais sans se risquer devant la base électorale ; il n’a pas hésité à pratiquer un peu de contrebande pour sauver une entreprise familiale en perdition et il a su utiliser à propos ses appuis politiques pour réussir une brillante carrière de financier international. Gaulliste après la Libération, il a toujours été un partisan du libre-échange et des organismes supra-nationaux : numéro deux de la Société des Nations, président de la CECA.

 

Le cas de Robert Schuman est encore plus éclairant : pages 49 à 72 du livre précité ; il a voté les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain et a été secrétaire d’état dans le gouvernement de Vichy ; frappé d’indignité nationale, il a été gracié par de Gaulle. Walter Hallstein est moins connu ; il a tout de même été le premier président de la Commission européenne ; or, il a été officier instructeur national-socialiste (le livre précité donne sa photo, en feldgrau, en 1943).

 

Comme chacun sait, l’argent est toujours le « nerf de la guerre ». Monsieur de Villiers a démonté avec précision les sources de financement de ceux qui ont préparé l’avènement de l’Europe telle qu’on la connaît actuellement ; pour l’essentiel, c’est le gouvernement américain par l’intermédiaire de l’American Committee on United Europe dont beaucoup de dirigeants se retrouveront à la CIA ; en clair, le fonctionnement actuel de l’Union Européenne a été fortement inspiré par les États-Unis d’Amérique. Même si cette constatation vous déplaît, au vu des preuves apportées par monsieur de Villiers, elle n’est pas contestable.

 

Enfin, Philippe de Villiers développe ses convictions pour l’Europe de demain ; l’Europe des peuples, attachés viscéralement à leurs racines, dont beaucoup sont communes à toute l’Europe, y compris en Russie ; une Europe aux antipodes du « ventre mou » dirigé par les valets du grand capital.

 

Pour conclure, je cite un passage (page 269) qui me semble l’une des révélations essentielles du livre de monsieur de Villiers : « L’assimilation des eurosceptiques au prurit fasciste des années trente est insupportable. L’européisme fut nourri au lait de ses premières comptines dans le berceau de la Collaboration et du nazisme. Et, depuis soixante-dix ans, on nous l’a caché ».

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