La Commission européenne et la concurrence

Publié le par Vincent Sévigné

L’Union européenne (UE) a mis au point des règles très précises dans de nombreux domaines et, en particulier, pour tout ce qui concerne le commerce. Un axe déterminant a été d’empêcher, au sein de l’Europe, la constitution de groupes puissants disposant d’un monopole ; l’objectif est d’imposer la concurrence considérée comme favorable aux consommateurs ; d’ailleurs, des industriels qui s’accordent, « en secret », pour augmenter leurs prix sont lourdement taxés si cette entente illicite est démontrée ; de plus, les tenants de cette orientation affirment que l’absence de concurrence diminue l’incitation à la recherche et l’innovation.

 

La Commission européenne a pour vocation de sauvegarder les directives adoptées par l’UE ; en général, elle interdit les fusions d’entreprises si ce regroupement induit, de fait, un monopole. Cette stratégie est fortement contestée quand il s’agit de constituer un groupe de taille internationale capable de rivaliser avec les multinationales américaines ou chinoises. Le contre-exemple le plus convaincant est Airbus ; si elle avait été opérationnelle plus tôt, est-ce que la Commission européenne aurait autorisé la création de ce fleuron de l’industrie européenne qui possède, en Europe, le monopole de la fabrication des avions gros porteurs ?

 

Dans ce contexte global, le projet de fusion Siemens-Alsthom était exemplaire ; créer un « Airbus ferroviaire » était séduisant ; l’Europe peut-elle s’offrir le luxe de continuer à finaliser deux TGV différents avec des cahiers des charges quasiment identiques ? La concurrence internationale est féroce : elle suffit pour imposer une rigueur industrielle exigeante. Par ailleurs, il semblerait logique de mettre au point un système de signalisation commun au couple franco-allemand et, par voie d’osmose, à toute l’Europe ; pour ce faire, une direction commune ne peut que faciliter les prises de décisions. Or, la Commission européenne a opposé son veto à la fusion Siemens-Alsthom. Les directions de ces deux sociétés et les deux gouvernements concernés ont protesté.

 

Qu’est-ce que j’en pense ? Ce veto est incontestablement une mauvaise nouvelle pour l’Allemagne ; de plus, compte tenu de ce qui est dit ci-dessus, ce veto n’est pas industriellement logique ; et pourtant, je crois que, de fait, c’est plutôt une bonne nouvelle pour la France et c’est bien ainsi que l’ont compris les syndicats français. Je m’explique ; il y a la théorie, en faveur de la fusion, et la pratique ; or, en matière industrielle, l’impérialisme allemand devient de plus en plus inquiétant – et donc contre-productif à long terme ; c’est un domaine où nos voisins d’outre-Rhin sont beaucoup mieux organisés, beaucoup plus patriotes et beaucoup plus efficaces que les responsables français ; de plus, ils ne sont pas insensibles au complexe de la baraka ; enfin, il me semble que le premier objectif de monsieur Macron n’est pas la défense des intérêts de la France mais celle de sa propre aura, y compris auprès des responsables allemands comme auprès du grand capital en général (on en reparlera) ; il est quasiment évident que la susdite fusion aurait été, en fait, une absorption d’Alsthom au profit de Siemens. On peut tout de même espérer que les dirigeants de « Siemens-Alsthom » auront assez de bon sens pour établir des normes communes et, peut-être, des cellules conjointes.

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