Espagne-Portugal : un match d’anthologie

Publié le par Vincent Sévigné

Certes, dès l’ouverture on connaissait l’issue : match nul ; mais, 3-3, c’est tout de même beaucoup plus spectaculaire que 0-0 ; de plus, et surtout, comme dans les grands classiques du théâtre, que chacun connaît par cœur, ce qui compte, c’est l’interprétation : et, là, elle fut sublime, le mot n’est pas trop fort.

 

Les costumes étaient adaptés aux rôles : des blancs imperturbables assaillis par des rouges provocateurs. Rien n’a manqué dans le registre de ces ballets modernes : échanges entre deux joueurs, changements d’ailes lors des attaques, coups de pieds fabuleux, feintes subtiles. Mais le plus impressionnant, selon moi, fut la maestria avec laquelle les Espagnols savaient garder le ballon : des passes calibrées au millimètre et une relance immédiate, sans l’ombre d’une hésitation, destinée au partenaire le mieux placé : un foot de rêve ; on en frissonnait tellement c’était beau !

 

Il n’est pas nécessaire d’avoir observé un grand nombre de matchs pour savoir qu’une telle performance est exceptionnelle et cela m’étonnerait que la connivence des Portugais ait été jusqu’à laisser s’imposer cette leçon exemplaire : leurs tentatives pour s’emparer du « Vif d’or » n’étaient pas feintes et ne faisaient que renforcer l’intensité de l’envoûtement.

 

Certes, les nécessités du suspense ont imposé quelques évolutions surprenantes ; dès la quatrième minute, Ronaldo provoque, dans la surface de réparation, une faute de Nacho, son coéquipier du Real, qui le connaît bien ; Ronaldo assure le penalty. Peu après, Diego Costa se joue de deux défenseurs, pourtant chevronnés, et trompe Rui Patricio d’un joli tir croisé. Et c’est encore Ronaldo qui tire directement sur De Gea ; celui-ci laisse passer le boulet : une erreur que l’on ne pardonnerait pas à un apprenti. Puis, c’est à l’Espagne de marquer deux buts ; le deuxième, une demi-volée du droit due à Nacho, est magnifique : le ballon touche deux poteaux avant de rentrer dans les buts.

 

Mais le clou du spectacle fut incontestablement le feu d’artifice final ; le public est en transe : 3-2 en faveur de l’Espagne, à quelques minutes de la fin, durant les arrêts de jeu. Gerard Piqué, joueur de haut niveau, bouscule Renaldo : là encore, une erreur de débutant. Comble de finesse, la faute n’est pas dans la surface de réparation : ce n’est donc pas un penalty mais un coup franc, dont l’issue est beaucoup plus indécise ; le public suspend son souffle ; la télévision nous offre le visage du monstre sacré qui va immoler la bête : Ronaldo, concentré à l’extrême. Vu du temple espagnol, le mur est placé un peu plus à droite qu’il ne faudrait et laisse un filet d’air à sa droite (vu du Portugal) ; mais, rien n’est encore acquis ; et le maître frappe ; le boulet contourne le mur par la droite, vu du Portugal, et rentre dans la lucarne du Saint des saints ; le Cerbère, De Gea, chargé de protéger les portes de l’enfer n’a rien à se reprocher : il attendait, logiquement, l’invasion de l’autre côté. Le public exulte : match nul, 3-3 ; Ronaldo triomphe ; bref, un spectacle somptueux !

 

On en redemande ; certes, on souhaite que les organisateurs n’abusent pas des erreurs programmées quand on arrivera aux choses sérieuses ; mais, faisons confiance et place aux jeux : « Ave, Caesar, morituri te salutant ».

 

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