Les erreurs du projet de loi El Khomri

Publié le par Vincent Sévigné

Repenser le code du travail est une priorité absolue. Malheureusement, le projet de loi El Khomri comporte de nombreuses erreurs.

Un point essentiel de cette loi concerne les indemnités de licenciement. Rappelons d'abord la jurisprudence actuelle qui est injuste et absurde. En simplifiant, il y a quatre cas de figure. Premier cas : le licenciement simple pour lequel les indemnités sont scandaleusement insuffisantes : au pire, un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté. Deuxième cas : le licenciement économique : le dispositif est complexe mais relativement équilibré. Troisième cas, un accord entre le salarié et l'entreprise (rupture conventionnelle) : cela ne peut fonctionner que si les deux parties sont de bonne foi. Quatrième cas : le licenciement dit « abusif » : dans ce cas, les prud'hommes sont, le plus souvent, très favorables au salarié ce qui peut réellement mettre l'entreprise en faillite. La perspective de ce quatrième cas est incontestablement un puissant frein à l'embauche.

Quelles sont les erreurs du projet de loi « El Khomri » ? La première erreur est d'avoir voulu imposer un passage en force sur un sujet aussi sensible : la quasi-totalité des Français est en relation directe avec une ou plusieurs personnes qui ont été récemment ou sont encore au chômage. La deuxième erreur est d'imposer aux prud'hommes des limites dans l'octroi des indemnités pour licenciement abusif : cela n'est pas acceptable, ni moralement, ni juridiquement. Il faudrait, à la fois, restreindre le domaine où on peut considérer qu'il y a licenciement abusif et, en même temps, augmenter les indemnités légales de licenciement. Il y a là une marge de concertation substantielle. Sur le plan idéologique, il faudrait aussi rappeler qu'une entreprise appartient en partie à ses employés car ce sont eux qui en constituent une valeur essentielle.

Il y a d'autres erreurs. En ce qui concerne le coût des heures supplémentaires, mettre un accord d'entreprise au-dessus d'un accord de branche est malsain : de plus, une majoration de 10% pour la rémunération des heures supplémentaires est évidemment trop faible. Une extension du « forfait jour » aux TPE et aux PME ne devrait être envisagé que dans un cadre précis et contraignant, ce qui n'est pas le cas dans le projet de loi actuel.

Compte tenu de l'attitude de blocage systématique de certains syndicats, autoriser l'organisation d'un référendum d'entreprise dès que 30% des représentants syndicaux l'acceptent me semble raisonnable.

La loi prévoit d'élargir le cadre du licenciement économique : a priori, c'est une piste intéressante. Cet aménagement pourrait être accepté par la CFDT moyennant des garanties.

Actuellement, le temps de travail des apprentis mineurs ne peut pas dépasser 8 heures par jour et 35 heures par semaine : c'est déjà considérable. La loi veut augmenter ces limites, ce qui est contre-productif. Par contre, on pourrait envisager des aménagements techniques si ceux-ci n'aggravent pas la charge de travail globale.

Le compte personnel d'activité n'est pas une bonne « monnaie d'échange » : il risque fort de devenir rapidement une usine à gaz. Pour les entrepreneurs, les effets négatifs de ce nouveau frein à l'embauche vont l'emporter sur les effets positifs de la loi, alors que les bénéfices pour les employés seront peu lisibles.

Imposer plus lourdement les CDD ne me semble pas non plus une bonne idée car cela va encore alourdir la charge des entreprises et donc entraîner des licenciements.

En dépit de ces nombreuses erreurs, la contestation étudiante et lycéenne n'a pas encore été un raz-de-marée : cinq cent mille manifestants pour les organisateurs, la moitié pour la police. Le blocage des lycées ne doit pas faire illusion : il suffit de quelques meneurs pour imposer des AG. De même, un clic pour cautionner une pétition n'est pas très contraignant.

On peut donc encore espérer que Manuel Valls et Laurent Berger sauront déminer le terrain et réparer l'essentiel des erreurs précitées. Mais ils ont intérêt à faire vite et bien : ce n'est pas gagné.

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