Macron et Benalla, même complexe

Publié le par Vincent Sévigné

Monsieur Benalla revient en tête d’affiche ; à 27 ans, son ascension fulgurante est impressionnante ; mais ses erreurs « de jeunesse » commencent à s’accumuler et à provoquer l’agitation des médias ; on veut bien croire qu’il fut un bon organisateur de la protection de monsieur Macron durant la campagne présidentielle, même si on s’interroge sur une telle responsabilité aussi jeune ; s’arroger des pouvoirs policiers, contre toute réglementation démocratique, fait désordre et en profiter pour montrer comment on tabasse des manifestants est plus qu’un dérapage ; flirter, sous le sceau du serment, avec l’imprécision et les omissions devant une commission sénatoriale devient hallucinant ; disposer d’un coffre-fort inviolable, le temps nécessaire, laisse pantois ; garder des passeports, en toute illégalité, et s’en prévaloir insidieusement pour se faire ouvrir des portes et s’assurer des contacts fructueux nous ramène au bon vieux temps des barbouzes ; multiplier les contacts avec des ténors plus ou moins recommandables ne peut qu’encourager les suspicions les plus politiquement inquiétantes ; les médias, à juste titre, demandent des comptes : comment tous ces dysfonctionnements ont-ils pu se produire au royaume de France ?

 

La première explication est, justement, qu’il s’agit bien d’un royaume ; il va tout de même falloir y mettre un peu d’ordre, c’est-à-dire faire sauter quelques fusibles, pas vraiment responsables : la démission de la cheffe de la sécurité du Premier ministre, Marie-Elodie Poitout, n’est peut-être qu’une première étape.  Mais, au-delà de ce nettoyage, aussi illusoire que nécessaire, comment expliquer l’assurance de monsieur Benalla ; selon moi, c’est le complexe de la baraka ; tout lui a réussi, ou, du moins, c’est ce qu’il croit. C’est exactement le même phénomène psychologique qui gouverne monsieur Macron ; celui-ci, porté par le dégagisme et le soutien appuyé du grand capital, a investi la France au forceps ; il s’est réellement pris pour un Jupiter, adoré par son peuple ; il a fallu le courage et la lucidité des gilets jaunes pour infléchir la trajectoire ; mais, quant au fond, notre Président n’a pas vraiment changé ; en manches de chemise et engagé dans le grand débat, il se regonfle en confirmant ses incontestables talents de bonimenteur.

 

Ce qui me semble intéressant à noter, c’est le caractère communicatif du complexe de la baraka ; messieurs Macron et Benalla ne peuvent que s’encourager mutuellement dans cette dérive qui les font flotter sur une bulle rassurante. N’oublions pas la petite phrase de notre Président, devant des parlementaires, le 24 juillet 2018, au début de l’affaire Benalla : « Qu’ils viennent me chercher ! ». Et ils ne sont pas seuls ; comme au temps des seigneurs, c’est tout un entourage qui est déconnecté du peuple et confiant dans sa réussite ; madame Macron ne peut que renforcer l’illusion : femme cougar, elle a su choisir et encourager la jeune pousse qui, aujourd’hui, brille au firmament ; Myriam, la femme de Benalla, employée par le LREM, complète heureusement ce tableau de famille attendrissant ; et ce ne sont pas les innombrables favoris en tous genres qui vont dessiller le Prince. 

 

Or, du complexe de la baraka à l’arrogance, la pente est facile et nombre de médias ont savonné la planche. Parler de lèpre à propos de dirigeant élu démocratiquement est le comble du mépris à l’égard du peuple italien et celui-ci l’a bien compris ainsi ; de même, les commentaires de monsieur Macron à propos des migrants - débarquant en Italie mais essayant de venir en France - étaient d’une mauvaise foi insoutenable ; rendre visite à des gilets jaunes sans en informer le gouvernement français était une réponse impolie mais tolérable ; au lieu d’enterrer la hache de guerre, notre Président a sorti l’arme ultime avant le tsunami : rappeler l’ambassadeur. Le message est clair : monsieur Macron aime l’Europe à condition que celle-ci soit à ses pieds. Il est urgent de tirer la sonnette d’alarme ; j’espère que, dès mercredi, notre Palmipède, ultime garde-fou national, signalera que, à la frontière franco-italienne, le risque d’avalanche est de 5 sur 5.

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