Le traité d’Aix-la-Chapelle

Publié le par Vincent Sévigné

Le mardi 22 janvier, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont signé, à Aix-la-Chapelle, un traité destiné à renforcer la coopération franco-allemande ; en France, l’opposition s’est déchaînée : Marine Le Pen parle de trahison et Nicolas Dupont-Aignan de soumission de la France à l’Allemagne ; la France insoumise insiste sur le fait qu’un traité aussi important ne doit pas être du seul ressort des deux chefs d’état.

 

Qu’en est-il vraiment ? Tout d’abord, ce traité est relativement prudent ; il est vrai que les deux signataires précités ne sont pas en position de force pour imposer une accélération vigoureuse de l’union franco-allemande ; de plus, le déséquilibre entre les deux économies ne facilite pas un rapprochement brutal qui pourrait ressembler à une alliance entre un pot de fer et un pot de terre.

 

Sur le fond, je suis tout à fait favorable au fait de faciliter les échanges entre les deux poids lourds de l’Union européenne, sans passer par les instances européennes ; toutefois, par exemple, l’harmonisation globale du droit des sociétés, notamment en ce qui concerne la fiscalité, me semble quelque peu utopique voire dangereuse car elle risque, de fait, de constituer un frein à l’évolution plutôt qu’un facteur de progrès : il est toujours plus difficile de faire évoluer une législation qui dépend de deux états ; je crois beaucoup plus à ce que j’ai prôné depuis longtemps, à savoir l’instauration d’une législation spécifique pour les entreprises franco-allemandes qui le souhaitent ; de même, créer des instances locales aptes à faciliter la réalisation de projets transfrontaliers est évidemment une excellente voie.

 

Le traité précité souhaite favoriser le bilinguisme dans les zones frontalières ; c’est du simple bon sens ; toutefois, il ne faut pas être naïf ; dans leur immense majorité, ceux qui traversent la frontière pour aller travailler sont français ; la disposition précitée va, de fait, aider des Français à apprendre l’allemand, au risque de les voir partir définitivement en Allemagne, d’autant plus que celle-ci manque de main-d’œuvre ; on a un phénomène analogue à la frontière franco-suisse, et la déperdition pour la France n’est pas négligeable.

 

Le point du traité le plus contesté, et contestable, est le suivant : « L’admission de la République fédérale de l’Allemagne en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies est une priorité de la diplomatie franco-allemande ». Il est bien évident que les poids lourds du Conseil de sécurité ne vont jamais accorder une place de permanent à l’Allemagne, ou à l’Europe, sauf si la France cède le sien : ce qui précède peut être considéré comme un pas dans cette direction.

 

Bref, selon moi, ce traité aurait pu être gagnant-gagnant et donc excellent ; en fait, il est trop déséquilibré ; la France y a beaucoup plus à perdre qu’à gagner ; il révèle, une fois de plus, l’amateurisme, voire la paresse intellectuelle, de notre Président ; quand on est français, se battre pour le roi de Prusse n’est pas une bonne option ; monsieur Macron est un bon bateleur : il le prouve actuellement ; mais, quant au fond et contrairement à ce que semble dire Laurent Wauquiez, ce n’est pas de cela que la France a besoin aujourd’hui.

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