Autruches et prostitution

Publié le par Vincent Sévigné

Les autruches volent au secours des réseaux de proxénètes. Au pays de DSK, le mercredi 3 février 2016, l'Assemblée nationale a adopté un texte de loi novateur. Tout d'abord, le délit de racolage est supprimé. Cela me semble une bonne mesure, sous réserve tout de même de l'interdire dans les lieux fréquentés habituellement par des mineurs.

Une autre évolution : donner aux femmes publiques des moyens pour se sortir du système. C'est une intention louable mais fort peu réaliste. Pourquoi donner plus à une fille de joie qu'à une femme seule, sans travail et en charge de quelques bambins. Par ailleurs, est-ce que faire le trottoir va devenir un bon filon pour être accueilli(e) par la Nation française ?

Et pourtant, personne ne conteste que la prostitution est une source d'exploitation des plus faibles, voire même un véritable esclavage particulièrement sordide. Alors, que faut-il faire ?

La nouvelle loi, et c'est là son point essentiel, prévoit des amendes relativement élevées pour le client avec aggravation en cas de récidive. Si cela s'avérait utile, je serais le premier à m'en réjouir. Mais je ne crois absolument pas à l'efficacité de cet essai d'abolition du « plus vieux métier du monde ».

Il y a toujours eu, et il y aura toujours, des volontaires, de part et d'autre. Avec ce nouveau cadre, une professionnelle devra tout accepter de la part de chaque client. En effet, elle ne pourra témoigner contre celui-ci que si ses souteneurs le lui demandent : sinon, elle est assurée de terribles représailles. A terme, cette loi va donc considérablement renforcer la pression, et donc la puissance, des réseaux de prostitution qui pourront, à la fois, contraindre, par la terreur, les kinés du sexe, comme aujourd'hui, mais aussi menacer les clients par le chantage.

Là est le cœur de la nouvelle loi. Avec internet, le risque d'ubérisation devient aussi dangereux pour les réseaux que pour les taxis. Il devenait urgent de pouvoir recadrer les « indépendantes » : les maquereaux n'auront qu'à dénoncer les clients des récalcitrantes aux médias et/ou à la police. Mais cela ne pourra pas se produire au sein des réseaux : personne ne prendra un tel risque et, sans témoin, la police ne pourra rien faire, sauf à la marge, pour la « com ».

Grâce aux autruches, on va donc s'orienter vers un système analogue aux maisons closes, sauf que ce seront des prisons virtuelles, mais tout aussi cadenassées. Je suis convaincu qu'il faudra une décennie avant que les bonnes âmes, fans de cette nouvelle loi, ne comprennent leur erreur. La bêtise fait souvent plus de mal que la méchanceté.

Et moi, qu'est-ce que je propose ? Je l'ai souvent dit. Exactement l'inverse de cette nouvelle loi. Il faut, au contraire, tolérer la prostitution et inciter, peu à peu, chaque péripatéticienne à se faire protéger par la police tout en éliminant les réseaux de proxénètes : mais, attention, ce nettoyage ne peut se faire que s'il ne crée pas de pénurie, c'est-à-dire si les clients restent en mesure de trouver leur bonheur. Le sexe, comme la nature, « a horreur du vide ».

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