Juppé est-il sincère ?

Publié le par Vincent Sévigné

Je crois que oui ; mais, a-t-il changé ? Je pense que non.

Il est intéressant de comparer le livre de monsieur Alain Juppé, « De vous à moi », avec celui sur le Président François Hollande, « Conversations privées avec le Président ». Ces deux livres racontent tout ou partie du parcours des intéressés. Dans le premier, c'est Juppé lui-même qui relit sa propre histoire avec des accents de sincérité qui me semblent convaincants. Dans le second, ce sont des journalistes qui, avec, certainement, l'accord du sujet, racontent la (toute) « petite histoire » de la vie de François Hollande depuis son élection à la magistrature suprême : un florilège, un peu fastidieux, des atermoiements du chef de l'état où il donne l'impression de n'avoir qu'une seule ligne de conduite : fignoler sa com et ne déplaire à personne.

Tout homme a les défauts de ses qualités. La sincérité, inévitablement, engendre un peu de rigidité. Quand on croit en soi et que l'on a confiance dans ses idées, on est peu apte à prendre le vent : cela évite, du moins, de se transformer en girouette. Mais cela peut aussi altérer ce minimum de souplesse apparente dont François Mitterrand était le maître incontesté. Or, si l'on est plus chêne que roseau, tel de Gaulle, il est souhaitable de prendre de la hauteur et d'avoir une vision de l'Histoire ; mais la priorité absolue est de ne pas faire trop d'erreurs.

Alain Juppé l'a bien compris. Il affirme, ce qui n'était pas le cas au début, que ses livres doivent être considérés comme des recueils de propositions qu'il se propose d'améliorer avec l'aide du peuple français. Sur ce point, son programme est remarquablement présenté et peut faire croire à des ouvertures possibles. Mais qu'en est-il sur le fond ?

Je vais prendre un exemple. Dans son livre, « Mes chemins pour l'école », l'axe fort de son projet pour l'enseignement était de donner plus de pouvoirs aux chefs d'établissement. La présentation récente semble plus ouverte et est, parfois, plus précise. Par exemple, monsieur Juppé propose de confier la gestion de 100% de la Dotation Horaire Globale aux équipes éducatives des établissements : je soutiens pleinement un tel projet de réforme.

Mon désaccord vient ensuite. Monsieur Juppé écrit : « C'est dans chaque établissement que l'équipe constituée autour du directeur, du principal ou du proviseur doit avoir toute la marge de manœuvre nécessaire pour adapter les horaires et les matières aux réalités du public scolaire. » En fait, si cette équipe est à la botte du susdit responsable, on est revenu à la case départ. Or, je ne crois pas, sauf exceptions, que l'on puisse compter sur les proviseurs et autres directeurs pour faire la révolution : depuis plus de vingt ans, ils sont choisis, promus, formatés pour amortir et dissimuler les vagues et faire croire que tout va bien : on ne peut pas leur demander de se convertir par un coup de baguette magique.

Selon moi, il faut que l'on donne une partie du pouvoir aux enseignants eux-mêmes, avec ou sans le soutien du patron administratif : c'est évidemment une tout autre option.

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